Son enfance en Tardenois

Paul naît le 6 août 1868 à Villeneuve-sur-Fère, dans l’une des chambres de l’ancien presbytère. Enfant solitaire et rêveur, on devine déjà en lui le futur poète. Assistant sa sœur dans ses premiers pas dans la sculpture, il arpente la campagne pour lui trouver de la terre glaise. Ses balades dans le Tardenois, et plus particulièrement à la Hottée du diable, un site naturel abritant des blocs de grés aux formes fantasmagoriques, enflammeront son imaginaire. Les légendes et les ragots que lui raconte Victoire, la domestique de la famille, le transportent dans un monde surnaturel qui l’animera toute son enfance et imprégneront son œuvre futur.

Très bon élève, il dit ressentir la vocation d’écrivain dès 13 ans et prouve son goût pour les auteurs grecs en annotant ses ouvrages scolaires. Le déménagement de la famille Claudel à Paris en 1881 est une épreuve pour lui, qui souffre de la promiscuité urbaine, du manque de reconnaissance des professeurs et de la compétition entre les élèves. Il rêve de parcourir le monde, de s’évader, de franchir ce qu’il appelle « l’au-delà ». Il fait alors la découverte de la première série des Illuminations de Rimbaud en mai 1886. Il découvre enfin l’ailleurs qu’il recherchait, la liberté du poète qui s’exprime loin des carcans universitaires imposés par ses professeurs. Il s’émancipe.

Puis a lieu la seconde révélation lors d’une messe de Noël célébrée à Notre-Dame-de-Paris la même année. Paul a alors 18 ans. Il est frappé par la foi qui l’habitera toute sa vie, et pénétrera son œuvre littéraire. Ses textes commencent à être publiés dans des revues littéraires, mais Paul craint la misère qu’il associe à la vie d’artiste. Il continue donc ses études avec l’objectif de devenir fonctionnaire, comme son père. Sa carrière lui apportera le cadre et la sécurité qu’il recherche, et le protégera du destin qu’ont connu d’autres artistes tombés dans la déchéance, tels que Verlaine, Villiers de l’Isle-Adam et bientôt, Camille Claudel.